
La 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies a été marquée ce lundi par un échange houleux entre les délégations du Mali et de l’Algérie. Ce rare épisode de confrontation verbale à la tribune a tenu en haleine les diplomates présents, chaque partie multipliant les droits de réponse pour défendre sa position.
Tout est parti de l’intervention du Premier ministre malien, le général Abdoulaye Maïga, le 26 septembre, qui avait accusé l’Algérie d’« ingérences inacceptables » dans les affaires intérieures du Mali, tout en revenant sur l’incident du drone malien détruit dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025. Alger avait rapidement rejeté ces accusations. Mais ce lundi, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, est allé beaucoup plus loin, provoquant une onde de choc dans l’hémicycle.
Des mots très durs côté algérien
« Les sommets de la bassesse, de la vulgarité et de la grossièreté atteints par ce faux poète, mais vrai putschiste, ne sont rien d’autres que logorrhée de soudards. Son bavardage de caniveau ne mérite que mépris et n’inspire que dégoût », a lancé le chef de la diplomatie algérienne, en réponse aux accusations maliennes.
Ces propos particulièrement virulents ont immédiatement suscité la réplique de Bamako. Quelques minutes après l’intervention algérienne, la délégation malienne a exigé un droit de réponse, brisant sa tradition de retenue diplomatique.
Bamako contre-attaque
« La délégation du Mali n’a pas pour habitude d’exercer un droit de réponse. Cependant, les attaques personnelles, grossières et condescendantes du ministre algérien m’obligent à intervenir », a déclaré le représentant malien, avant de dénoncer ce qu’il a qualifié de « contre-vérités » et de « fuite en avant ».
Dans un ton ferme mais mesuré, la partie malienne a réaffirmé que les tensions actuelles trouvent leur origine dans les « ingérences intempestives du régime algérien » et dans l’affaire du drone malien détruit, considéré comme un « acte d’agression inédit » par Bamako. Le Mali accuse Alger d’avoir voulu entraver une opération de neutralisation de groupes armés dans le nord du pays et d’entretenir des « liens troubles » avec certains mouvements qualifiés de terroristes.
Le droit de réponse malien rappelle également que l’affaire du drone est désormais portée devant la Cour internationale de justice, malgré le refus de l’Algérie d’accepter la compétence de la juridiction. « Ce refus est un aveu de culpabilité », a martelé le représentant malien.
À peine le droit de réponse malien terminé, l’Algérie a demandé à nouveau la parole, suivie d’une contre-réplique malienne. Cette série d’échanges successifs a transformé la tribune onusienne en véritable joute diplomatique, dans une atmosphère électrique où plusieurs délégations semblaient vouloir intervenir à leur tour.
Cet affrontement public illustre la profondeur des tensions entre deux pays liés par l’histoire mais aujourd’hui séparés par une défiance croissante. Le Mali reproche à Alger de s’impliquer de manière partiale dans le processus de paix et de miner sa souveraineté, tandis que l’Algérie accuse Bamako de chercher des boucs émissaires pour masquer ses propres difficultés sécuritaires.
La scène a laissé une impression de fracture régionale au sein d’une Assemblée générale plus habituée à des discours policés. Reste à savoir si cette passe d’armes marquera un tournant durable dans les relations entre Bamako et Alger ou si elle s’inscrit dans une séquence de tensions passagères.
Par Abdrahamane Baba Kouyaté