
Dans une analyse publiée ce 6 novembre 2025, l’ancien ministre de la Justice, Mamadou Ismaïla Konaté, revient sur la décision du groupe CMA-CGM de suspendre, puis de maintenir finalement, ses services routiers vers le Mali. Pour l’avocat aux barreaux du Mali et de Paris, cet épisode illustre à la fois la fragilité logistique d’un pays enclavé et la maturité juridique d’une entreprise qui a préféré la coopération au désengagement.
Selon Me Konaté, l’annonce faite le 4 novembre par le géant du transport maritime, invoquant les risques sécuritaires et la pénurie de carburant sur les corridors reliant le Mali aux ports d’Abidjan, de Dakar, de Tema et de Conakry, a semé un doute légitime dans les milieux économiques. « Une telle suspension, dans un pays dont plus de 90 % du commerce extérieur dépend de ces axes, équivalait à un choc logistique », estime-t-il. Mais, ajoute-t-il, la réaction rapide des autorités maliennes a permis d’éviter le pire. « Le ministère des Transports et des Infrastructures a engagé un dialogue constructif avec les responsables de CMA-CGM, aboutissant à une révision de la décision initiale. »
L’ancien garde des Sceaux salue la posture du groupe français, qui a préféré maintenir ses activités, malgré les retards et la hausse des coûts. « En renonçant à invoquer durablement la force majeure, CMA-CGM a démontré qu’il est possible d’adopter une lecture responsable du droit. La force majeure n’est pas une échappatoire, mais une faculté qui doit s’exercer avec discernement, dans le respect des obligations contractuelles et du contexte économique. » Pour lui, ce revirement constitue une leçon sur la proportionnalité du risque et sur la primauté du dialogue entre partenaires économiques.
Mamadou Ismaïla Konaté souligne que cette décision a permis d’éviter une paralysie du commerce malien, même si les défis restent importants. « Les surcoûts liés à la sécurité, l’allongement des délais et la dépendance persistante à des infrastructures fragiles appellent une réflexion structurelle. Le Mali doit investir dans des corridors plus sûrs et plus autonomes pour réduire sa vulnérabilité. »
L’ancien ministre conclut que cet épisode est porteur d’un message clair : « La souveraineté logistique ne se décrète pas, elle se construit. CMA-CGM a illustré qu’entre prudence juridique et responsabilité économique, un équilibre est possible. Le Mali, de son côté, doit renforcer ses capacités pour que sa résilience ne dépende plus uniquement de la bonne volonté de ses partenaires. »
Pour Mamadou Ismaïla Konaté, cette affaire dépasse le cadre du commerce : elle interroge la souveraineté économique des États africains et leur capacité à négocier d’égal à égal avec les grands opérateurs internationaux.
Par ABK
